Mohammed (camarade de Villeneuve-Saint-Georges)
Le Maroc est traversé par une vague de contestations qui mettent en lumière la profondeur de la crise sociale et politique et appellent à l’unification des luttes pour la dignité, les services publics et contre la normalisation.
Le « Mouvement Populaire pour la Santé » révèle une crise profonde
Dimanche 21 septembre 2025, d’importantes foules sont descendues dans les rues de plusieurs villes (Agadir, Beni Mellal, Tiznit, Essaouira, Taounate…) pour manifester devant les hôpitaux. Le cri d’alarme est clair : la détérioration catastrophique du secteur de la santé public, le manque d’équipements et de personnel médical entraînent des décès, notamment à Agadir où les manifestants ont dénoncé « l’hôpital de la mort ».
Ces protestations interviennent après le décès récent dans un hôpital public d’Agadir de huit femmes enceintes admises pour des césariennes, selon les médias. Le directeur de l’hôpital et plusieurs responsables locaux ont été limogés, une enquête interne a été diligentée et des investissements annoncés. Le 14 septembre, des heurts ont opposé des policiers et des manifestants dénonçant des conditions précaires dans cet établissement (manque d’équipements et de médicaments). Une semaine plus tard, deux sit-ins à Tiznit, au sud d’Agadir, et Essaouira ont été interdits et une douzaine de personnes, dont des membres de l’AMDH, ou Najat Anwar responsable de de l’ONG Touche pas à mon enfant, ont été interpellées puis relâchées.
Cette mobilisation reflète un contraste flagrant et une priorité budgétaire choquante : d’un côté, l’incapacité de l’État à répondre aux besoins les plus élémentaires de la santé publique, de l’autre, le gaspillage de milliards dans les préparatifs de la Coupe du monde 2030. Des projets d’infrastructures gigantesques (stades luxueux, hôtels, réseaux routiers), accompagnés d’exonérations fiscales pour la FIFA, sont privilégiés, tandis que les citoyens subissent la flambée des prix et la réduction du budget de la caisse de compensation.
Ce mouvement s’inscrit dans la continuité des luttes précédentes, comme le Hirak du Rif ou celui de Jerada, confirmant que la lutte pour la dignité sociale se renouvelle constamment face aux politiques d’austérité et d’exclusion sociale dictées par l’État et les institutions financières internationales.
Répression et interpellations inhabituelles de la jeunesse
Les forces de l’ordre ont empêché les jeunes de se rassembler devant le Parlement à Rabat avant une première protestation organisée par « GenZ 212 », dont les fondateurs sont inconnus. Les autorités ont également interdit une autre manifestation à proximité contre un projet de réforme de l’enseignement universitaire.
Ces interpellations inhabituelles – alors que les autorités autorisent normalement les manifestations à Rabat – se sont déroulées pendant deux heures. « Nous avons constaté l’arrestation de plus de 70 personnes parmi les participants aux deux sit-in », a indiqué Hakim Sikouk, président de la section de Rabat de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH). Une fois leur identité vérifiée, ils sont relâchés progressivement.
Selon le média local « Lakome2 », d’autres rassemblements organisés par « GenZ 212 » ont été dispersés à Casablanca, Tanger et Meknès. Le groupe a lancé son appel sur Discord se présentant comme « un espace de discussion » autour de « questions comme la santé, l’éducation et la lutte contre la corruption », clamant « son amour pour la patrie ».
Un des participants a expliqué être venu réclamer une « réforme de l’éducation et de la santé publique, et des opportunités d’emploi pour les jeunes », assurant n’appartenir à aucun courant politique. Ces manifestations de jeunes soulignent que les inégalités sociales restent un problème majeur qui touche principalement la jeunesse et les femmes au Maroc.
Alors que le gouvernement marocain et les partis de la coalition restent silencieux, les formations d’opposition de gauche comme la Voie Démocratique, le Fédération de la Gauche Démocratique, Parti Socialiste Unifié ou islamistes comme Al Adl wal Ihsane ont vivement réagi aux manifestations qui ont secoué plusieurs villes du pays ce week-end, organisées par les jeunes de la «Gen Z 212» à travers les réseaux sociaux.
Solidarité palestinienne et répression de la normalisation
Dans le même temps, des manifestations de solidarité avec le peuple palestinien face au génocide et à la famine ont eu lieu à Tanger, Casablanca, Meknès et dans d’autres villes. Ces rassemblements ont été violemment réprimés, tandis que l’État maintient des activités de normalisation flagrantes avec l’entité sioniste, accueillant notamment « les navires du génocide » et organisant des événements controversés comme à Essaouira, en dépit de l’opinion publique marocaine.
La répression s’Intensifie
La réponse de l’État à ces mobilisations est uniforme : répression, interdiction préventive et arrestations. Les forces de l’ordre ont été déployées devant les hôpitaux pour étouffer les protestations pacifiques. La répression s’étend également à la liberté d’expression et d’opinion, avec le recours aux accusations d’insulte et de diffamation pour museler les voix dissidentes, comme en témoignent les cas de Saïda Alami et d’Ibtissam Lachgar.
L’unité des luttes est la réponse
Pour des organisations de la Gauche et Islamiste marocaine ou ONG comme l’AMDH et ATTAC CADTM Maroc, la détérioration des services publics, l’intensification de la répression politique et l’engagement dans la normalisation avec l’entité sioniste sont les facettes d’une même politique néolibérale subordonnée à l’impérialisme. Cette politique est aggravée par les conditions d’endettement imposées par la Banque Mondiale et le FMI, et les accords de libre-échange, qui exigent la réduction des budgets sociaux, accélèrent la privatisation et minent la souveraineté.
L’heure est à l’unification des fronts. Le mouvement populaire pour la santé ainsi que les initiatives audacieuses de la jeunesse, notamment « GenZ 212 », qui réclament une éducation et des services de santé publics, de qualité et gratuits, ont fait déborder le vase de la colère sociale. Ce large front populaire ne peut réussir sans unifier la lutte sociale avec la lutte contre le sionisme et l’impérialisme, et pour la démocratie.
L’accueil continu de la flotte sioniste dans les ports marocains est dénoncé comme une honte et une complicité avec les crimes de guerre. Un appel est lancé à la participation à la grande marche populaire nationale de soutien à la Palestine prévue le dimanche 5 octobre 2025 à Rabat.
Le message est sans équivoque. Le Maroc dit :
Non à la privatisation et non à la normalisation !
Non aux diktats de la dette !
Oui à la santé et à l’éducation publiques et gratuites !
Oui à une Palestine libre !
Oui à la liberté et à la dignité !