Solidarité internationaliste avec le peuple soudanais et son mouvement révolutionnaire !
Au Soudan, le visage de l’impérialisme est celui d’un génocide perpétré par deux généraux qui se battent pour le pouvoir avec chacun le soutien de puissances étrangères. Ces deux larrons étaient pourtant unis lors du coup d’Etat d’octobre 2021 pour réprimer la formidable révolte populaire commencée en 2018-2019, pour dissoudre les syndicats, partis et associations populaires et abolir tous les droits démocratiques.
Une escalade atroce : la chute d’El-Fasher
Le 26 octobre dernier, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) se sont emparés d’El-Fasher, capitale du Darfour du Nord. Déjà confrontés à la faim, au manque de soins et à la violence quotidienne durant le siège de la ville depuis mai 2024, les civils sont désormais victimes d’exactions de masse : exécutions sommaires, viols collectifs, pillages et incendies de quartiers entiers, nettoyage ethnique systématique mené à l’encontre des communautés non-arabes Fur, Zaghawa et Bartis. En dépit des appels du secrétaire général de l’ONU, la communauté internationale continue de fermer les yeux sur les massacres en cours.
Une guerre d’une violence extrême contre le peuple soudanais
Depuis son déclenchement en avril 2023, la guerre civile oppose l’armée du dictateur Abdel Fattah al-Burhane aux FSR dirigées par son ancien allié le général Mohamed Hamdan Dogolo dit Hemetti. Ce conflit a déjà fait plus de 150.000 morts, 13 millions de déplacé-es, et 26 millions de personnes menacées par la faim. Les civils sont les premières victimes d’une violence extrême : viols massifs utilisés comme arme de guerre, famines provoquées, destructions d’hôpitaux et d’écoles, blocus humanitaires.
Cette guerre n’est pas une simple rivalité entre deux généraux : c’est une guerre contre-révolutionnaire destinée à écraser le mouvement populaire né de la révolution de 2018-2019, qui avait fait tomber la dictature d’Omar el-Bechir et ouvert une perspective d’émancipation populaire inédite.
De la révolution à la contre-révolution
En 2018, le peuple soudanais s’est soulevé pour réclamer liberté, paix et justice sociale. Les comités de résistance, les syndicats indépendants, les organisations de femmes et l’Association des professionnels soudanais ont construit un mouvement révolutionnaire d’une maturité politique remarquable. Le Parti communiste soudanais, force organisée historique de la classe ouvrière, a joué un rôle central dans cette révolution, apportant sa clarté politique et son expérience de lutte contre les dictatures militaires successives. Le mot d’ordre commun était : un gouvernement civil fondé sur le pouvoir populaire organisé.
Face à cette menace à leurs privilèges, les militaires et leurs soutiens impérialistes ont réagi par la violence : répression sanglante, coup d’État, puis guerre civile. Les deux factions militaires, malgré leurs rivalités, partagent un même projet contre-révolutionnaire : empêcher l’avènement d’un Soudan souverain et émancipé de la domination impérialiste.
Deux armées criminelles, un champ de bataille impérialiste
Le Soudan est aujourd’hui l’un des épicentres de la compétition impérialiste mondiale. Sa position géostratégique – entre la mer Rouge, le Nil et le Sahel – en fait un point clé pour le contrôle des routes commerciales, de l’eau, des ressources minières et des flux migratoires vers l’Europe.
Le nerf de la guerre, c’est l’or. Or, les FSR contrôlent les mines du Darfour et alimentent un vaste trafic via le Tchad, la Centrafrique et surtout les Émirats arabes unis, qui financent l’effort de guerre et légitiment diplomatiquement le « gouvernement parallèle » de ces milices héritières des Janjawids, responsables du génocide du Darfour de 2003-2020.
L’armée soudanaise, héritière du régime génocidaire d’el-Bechir, est aussi criminelle : bombardements aveugles de zones habitées, blocus alimentaire utilisé comme arme de guerre, répression des manifestations civiles, tortures et disparitions forcées. Elle est soutenue pour des raisons stratégiques par un réseau d’États rivaux : l’Arabie saoudite et l’Égypte, en quête de contrôle de la mer Rouge et d’endiguement de l’influence turco-qatarie dans la région.
En rivalité avec les Émirats et l’Égypte pour l’influence régionale, la Turquie se positionne officiellement comme « médiatrice » tout en procédant à des livraisons d’armes massives à l’armée soudanaise au travers de sa firme Baykar.
Israël, de son côté, joue sur tous les tableaux : relations officielles avec l’armée de Burhan dans le cadre des accords d’Abraham, coopération du Mossad avec les FSR d’Hemetti, le tout pour sécuriser son influence sur la mer Rouge et affaiblir l’influence de l’Iran dans la région.
Enfin, al-Burhane tente d’entraîner dans le conflit la Chine et la Russie, avec qui le Soudan entretient des partenariats commerciaux et stratégiques depuis les années 1990-2000, espérant provoquer une escalade dans leur compétition avec l’impérialisme occidental.
Derrière chaque massacre, on retrouve des transactions d’or, de pétrole ou d’armes : le peuple soudanais meurt pour le profit de puissances étrangères. Cette guerre par procuration oppose plusieurs réseaux impérialistes qui se disputent le contrôle des ressources du Soudan, tout en partageant un même objectif : écraser le mouvement révolutionnaire soudanais et maintenir le pays dans un état de dépendance néocoloniale.
La responsabilité centrale de l’impérialisme occidental
Si tous les acteurs régionaux portent une responsabilité dans ce conflit, l’impérialisme occidental reste l’architecte majeur du désastre soudanais.
Une responsabilité historique lourde : Le Soudan est un État postcolonial qui a obtenu son indépendance de la colonisation britannique en 1956. De 1899 à 1956, les Britanniques ont posé les bases de l’économie extractiviste du Soudan pour exploiter ses ressources, et ont employé le racisme comme outil de division et d’exploitation. Ces structures n’ont jamais disparu après l’indépendance formelle. Depuis lors, chaque soulèvement militaire — le premier ayant eu lieu en 1955, avant même l’indépendance — a été soutenu par les puissances occidentales, qui en ont profité pour imposer des politiques économiques néocoloniales par le biais du FMI et de la Banque mondiale, et pour intégrer le Soudan dans leur dispositif sécuritaire anti-migrants.
L’Union européenne a directement contribué à équiper et financer les FSR : Dans le cadre du tristement célèbre « processus de Khartoum », elle collaborait avec le dictateur el-Bechir depuis 2014 pour endiguer les flux de réfugiés vers la Libye. Plus de 40 millions d’euros ont été versés pour que les FSR puissent mener des actions violentes contre les réfugiés et migrants dans l’intérêt de la « sécurité européenne ». Jusqu’en 2023, Hemetti a bénéficié dans la presse française d’interviews complaisantes où il se prétendait héraut de la démocratie, quand son activité consistait à la prédation et aux massacres. La France, partenaire stratégique des Émirats, de l’Égypte et de l’Arabie saoudite, a continué à leur vendre des armes malgré leurs crimes.
Les États-Unis, fer de lance de l’impérialisme mondial, n’ont jamais caché leur jeu : Un article du National Interest publié peu avant le début de la guerre civile exposait crûment la stratégie américaine : « endiguer l’expansion des influences russes, chinoises et extrémistes ». Les États-Unis ont ouvertement cherché à « stabiliser » le Soudan en s’appuyant sur les militaires « pro-occidentaux », tout en prétendant défendre la démocratie. Leur véritable objectif : préserver leur accès privilégié aux ressources, et maintenir le pays dans la dépendance. L’hypocrisie occidentale atteint son paroxysme avec les récentes accusations américaines contre l’armée soudanaise concernant l’usage d’armes chimiques, formulées sans preuve publique. Cette manipulation grossière, qui rappelle les mensonges ayant justifié le bombardement de l’usine pharmaceutique d’al-Chifa en 1998 ou l’invasion de l’Irak en 2003, intervient opportunément alors que le rôle émirati est de plus en plus dénoncé. La politique étrangère de Trump est devenue explicitement transactionnelle et corrompue, au service de ses intérêts économiques personnels dans la région.
Le silence des médias : une censure raciste et politique
Le mutisme des médias occidentaux sur les massacres au Soudan n’est pas anodin : il sert à affaiblir toute mobilisation tant humanitaire que politique. Quand les grands médias évoquent la situation, ils parlent le plus souvent d’une « crise humanitaire » abstraite : aucun nom, aucun responsable, aucune analyse des intérêts en jeu.
Ce silence traduit une complicité structurelle et une hiérarchisation raciste de la souffrance. Les morts africains ne « valent » pas les morts européens. Ce racisme systémique, inscrit dans les sociétés occidentales, alimente l’indifférence et le désintérêt collectif. Les conflits africains sont réduits à des affrontements ethniques ou à des rivalités entre chefs de guerre, occultant les causes réelles : les appétits économiques, les ingérences et déstabilisations étrangères, et la responsabilité directe des États occidentaux. Les luttes populaires sont dépolitisées, décrites comme des réactions irrationnelles à la faim ou à la misère, alors qu’elles portent de véritables projets politiques. En niant cela, le discours dominant légitime l’ordre néocolonial et efface la vitalité révolutionnaire du peuple soudanais.
Ce silence n’est pas neutre : il est l’un des instruments du maintien de la domination.
Les forces révolutionnaires qui résistent
Malgré la guerre, les forces révolutionnaires soudanaises continuent de s’organiser et de résister. L’Alliance du Changement Radical, formée en juillet 2022 et dirigée par le Parti communiste soudanais, rassemble des syndicats et des forces populaires qui rejettent tout accommodement avec les militaires et appellent à la formation d’une coalition populaire pour arrêter la guerre et reprendre le cours de la révolution. Les Comités de résistance, colonne vertébrale du soulèvement de 2018-2019, assurent aujourd’hui dans les zones de guerre la gestion des cuisines collectives, des soins de santé, des pharmacies et l’évacuation des civils, tout en dénonçant les crimes des deux camps malgré les persécutions qu’ils subissent de part et d’autre.
Nos tâches de solidarité
Notre camp est celui du peuple soudanais et de ses aspirations révolutionnaires. Nous affirmons que la libération du Soudan est indissociable du combat mondial contre l’impérialisme. Face aux massacres en cours et à la complicité active des puissances occidentales, nous appelons à construire une solidarité internationaliste concrète avec le peuple soudanais.
Nous exigeons un cessez-le-feu immédiat et l’ouverture de corridors humanitaires sécurisés ; et l’arrêt total des ventes d’armes aux pays impliqués dans le conflit. La France doit rompre ses contrats avec les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et l’Égypte, ainsi que ses partenariats stratégiques avec les pétromonarchies du Golfe.
Mais la solidarité ne s’arrête pas à l’urgence. Nous devons reconstruire la solidarité internationaliste sur le long terme, en reliant la résistance du peuple soudanais à celles d’autres peuples : en République démocratique du Congo, en Palestine, au Sahel ou dans les colonies françaises comme la Kanaky.
Cette solidarité doit être matérielle, politique, et portée en autonomie par la classe ouvrière : soutenir directement les comités de résistance, les syndicats, les structures médicales d’urgence et les organisations de femmes au Soudan ; construire des canaux de solidarité autonomes en dehors des ONG inféodées à la diplomatie impérialiste ; informer et relayer les voix des peuples en lutte, pour briser le silence médiatique, contrer le discours raciste et dépolitisant, et pointer du doigt la responsabilité de la France, de l’UE et de leurs alliés.
La guerre au Soudan n’est pas une tragédie isolée. Elle s’inscrit dans la même logique que la destruction de la Palestine, les ingérences françaises en Afrique et le pillage des ressources du continent par les multinationales occidentales. Partout, les peuples qui se soulèvent pour leur dignité affrontent la violence conjointe des élites locales et de leurs parrains impérialistes.
Mais au Soudan, malgré les bombardements, les massacres et la faim, les forces révolutionnaires continuent de résister. Elles portent la perspective d’un pouvoir populaire, civil et démocratique. Elles incarnent l’espoir d’une Afrique libre et d’un monde affranchi de la domination impérialiste.
Nous leur devons plus que des mots : nous leur devons notre solidarité active.
Luttons ici contre nos gouvernements complices. Soutenons là-bas les forces révolutionnaires soudanaises.
