URC – Union pour la Reconstruction Communiste
Les universités françaises sont sous le coup d’une surenchère répressive, dans le sillage de la fascisation que connaît notre société.
Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a réaffirmé récemment sa volonté d’interdire le voile à l’université, qu’il avait déjà proposé en janvier (y compris dans le cadre des sorties scolaires) avant de lancer le slogan scélérat « À bas le voile » lors de son meeting du 26 mars à Paris. Après qu’en février le Sénat ait voté l’interdiction du voile dans le cadre des compétitions sportives, et après l’interdiction des Abayas à l’école en septembre 2023, cette nouvelle attaque à l’égalité d’accès au droit à l’éducation vient confirmer l’islamophobie d’Etat. Elle se place dans la droite lignée du dévoiement du concept de laïcité dont faisait déjà preuve la loi Séparatisme de 2021.
C’est d’ailleurs durant le processus d’adoption de celle-ci que l’alors ministre Frédérique Vidal proposait de mener une enquête sur le soi-disant « islamo-gauchisme » à l’université, s’appropriant la rhétorique de l’extrême-droite pour incriminer les mouvements antiracistes et menacer la liberté dans l’enseignement et la recherche publique en Sciences humaines et sociales. Dans leur offensive islamophobe conjointe, les libéraux et l’extrême-droite démontrent toute leur frénésie impérialiste : la lutte pour les droits des femmes est instrumentalisée pour promouvoir une obsession raciste et conservatrice pour le contrôle des corps, alors qu’en même temps les liens diplomatiques et économiques sont resserrés avec des régimes réactionnaires qui briment les droits des femmes à l’image de l’Arabie saoudite, du Qatar ou encore de la Syrie tombée aux mains d’anciens djihadistes – tandis que l’obligation du port du voile n’est dénoncée qu’à l’égard de l’Iran car il s’agit d’une puissance non aligné avec le bloc euro-atlantiste –.
D’autre part, le projet de Loi relative à la lutte contre l’antisémitisme, le racisme, les discriminations, les violences et la haine dans l’enseignement supérieur, adopté par l’Assemblée nationale le 7 mai – avec le soutien du RN, de la droite, des macronistes, du PS et des Verts – a pour objectif de criminaliser d’avance tout mouvement étudiant.
Il est question en effet d’instituer, à côté des sections disciplinaires dont dispose déjà chaque université, une section disciplinaire par région académique. Présidée par un magistrat administratif et placée sous la tutelle du recteur, les présidents d’université pourront y recourir pour engager des poursuites non seulement pour « les faits antisémites, racistes, discriminatoires ou d’incitation à la haine ou à la violence » (y compris sur demande de tierces personnes), mais aussi pour « les faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre ou au bon fonctionnement de l’établissement ».
Les syndicats étudiants alertent à juste titre que c’est la première fois que des représentants des administrations siégeront dans des sections disciplinaires, composées jusqu’à aujourd’hui uniquement de représentants des étudiants et des personnels. En clair, ceux qui engagent les poursuites pourront maintenant juger ceux qui sont poursuivis. La bourgeoisie perfectionne ainsi son appareil répressif contre les mobilisations sociales et internationalistes.
L’université est prise pour cible
Parce qu’elle a été un foyer de contestation de toutes les mesures régressives des dernières années, de la loi Travail à la réforme des retraites. De même, elle a été un vecteur d’organisation de la solidarité avec le peuple palestinien, à l’image des blocages et occupations dans plusieurs Sciences Po. Alors que le gouvernement français est complice du génocide à Gaza, et qu’il entretient la confusion entre antisionisme et antisémitisme.
Combien d’étudiants et de personnels seront renvoyés en section disciplinaire pour avoir exprimé leur soutien à la résistance palestinienne ?
Combien pour avoir lutté pour des meilleures conditions d’étude et de travail ?
Combien pour avoir résisté à l’escalade militariste et belliqueuse de l’OTAN et de l’UE ?
L’envoi déjà systématique de la police sur les campus, et la complaisance des pouvoirs publics avec les violences perpétrés par les groupuscules d’extrême-droite contre les étudiants mobilisés, se voient maintenant complétés d’une nouvelle instance disciplinaire aux allures de tribunal politique spécial. Déjà en février, trois étudiants ont été exclus pendant 30 jours de Sciences Po Paris pour avoir participé à une mobilisation de soutien à la Palestine. C’est cette menace qui risque désormais d’être généralisée à toutes les universités. Rappelons d’ailleurs que le gouvernement n’en est pas à son premier essai, puisque déjà en 2020 la Loi de programmation de la recherche visait à criminaliser blocages et occupations en instaurant un « délit l’intrusion dans les universités », finalement cassé par le Conseil constitutionnel.
Wauquiez, dans sa course d’extrême-droite contre Retailleau pour la présidence de LR, a demandé et obtenu aussitôt du Conseil Régional Auvergne-Rhône-Alpes la coupure de toutes les subventions régionales à l’Université Lyon-2 sous prétexte farfelu de « dérive islamo-gauchiste ».
Face au déferlement islamophobe et autoritaire sur les universités, l’URC exprime sa solidarité pleine et entière avec tous les étudiants menacés d’exclusion pour leur confession religieuse ou leur activité syndicale et politique.
Il est urgent de construire un front antiraciste et antifasciste pour déjouer cette énième attaque à nos droits et nos libertés démocratiques.