[Charles Hoareau]
Il y a deux mois, ici même, nous titrions « la CGT des dockers de Fos ouvre une brèche contre la guerre », deux mois plus tard on ne peut que constater que la brèche n’en finit pas de s’élargir.
D’abord il y a eu, aidé par BDS international et la FSM Fédération syndicale mondiale, l’extension de ce refus du chargement ou du déchargement des armes aux dockers d’autres ports français (Marseille, Le Havre) mais aussi en Italie, Espagne, Grèce, Chypre, Maroc, Belgique…
Puis, comme si cela avait été le signal porteur d’espoir que les travailleurs attendaient il y a eu successivement :
La CGT des douanes qui a dénoncé son administration générale et le gouvernement complices non seulement par leur silence mais aussi par leurs mensonges
- La CGT, Solidaires et FO qui ont déclaré « pas d’armes ni dans les ports ni dans les aéroports »
- La CGT d’AIRBUS qui « demande l’interruption immédiate de tous les contrats avec Israël, et l’interdiction de la présence d’Israël au Salon du Bourget »
- La CGT de Renault qui dénonce la volonté du groupe de fabriquer des armes.
Tout cela s’inscrivant dans un contexte international de mobilisation croissante comme l’ont montré les manifestations du week-end dernier en France, Belgique, Pays-Bas et la marche internationale vers Gaza pour briser le blocus.
De partout monte l’exigence des peuples du refus des guerres et du génocide en Palestine.
Concernant les fabricants d’armes, il y a à Marseille une usine bien discrète qui tentait de se faire oublier.
Elle se trouve au cœur du Technopole de Château Gombert, vaste parc regroupant 170 entreprises et employant plus de 4000 salariés travaillant dans « l’innovation, la recherche et la formation supérieure » Bref du « Hi-Tech » bien propre dans un cadre de verdure…On serait donc très loin de la fabrication d’armes sauf que c’est là que EUROLINKS, vieille entreprise marseillaise, a choisi de venir s’installer discrètement récemment.
Mais bon question discrétion c’est loupé.
Cette entreprise est désormais connue dans la région et au-delà pour ce qu’elle est : une entreprise privée appartenant presque totalement à une famille, la famille BONELLI, qui a choisi de prospérer dans la fabrication de munitions. C’est même la seule activité d’EUROLINKS depuis 1955 et qui a fait qu’elle est la 2e entreprise mondiale de fabrication d’engins de mort de sa spécialité : les maillons pour munitions.
Je ne connais personne de cette famille BONELLI mais si un jour d’aventure, je rencontrais un de ces membres une question me viendrait immédiatement à la bouche : « combien d’hommes, de femmes d’enfants ont été tués depuis plus de 70 ans « grâce » à vos munitions ? »

source de l’ image : (lien)
Je doute qu’ils connaissent la réponse ni même que ce soit le cadet de leurs soucis mais on peut parier que ce nombre est proportionnel aux bénéfices que cette entreprise engrange depuis 7 décennies et dont le chiffre d’affaires a bondi de 10% en 2022 [1] année de la recrudescence de la guerre en Ukraine et ne cesse de progresser depuis…Un hasard sans doute.
De même commentla métropole, la ville de Marseille, le département, la région, « co-pilotes de l’opération » peuvent-ils justifier de tolérer ce type d’activité sur un site qu’ils financent ? Qui plus est alors que c’est une activité interdite du point de vue du droit international ?
Au nom des « droits de l’homme » ? Des emplois ? Du principe de neutralité ? Du sens des affaires au mépris de toute humanité et en toute hypocrisie ?
Toujours est-il que des cégétistes travaillant sur le Technopole ont appris la veille que ce mardi 17 juin, devait se tenir l’assemblée générale de l’Association du Technopôle de Château-Gombert, association financée par la Métropole Aix-Marseille-Provence, et qui regroupe les 170 entreprises intervenant sur le site.
L’alerte donnée ce sont donc les organisations signataires du tract ci-joint, qui se sont retrouvées pour le diffuser non seulement aux participants à l’AG mais plus largement à nombre de salariés du Technopole.
Le résultat a été plus que probant : nombre d’entre eux n’étaient pas au courant que le site tant vanté pour son « écosystème » abritait en son sein un marchand d’armes. Mieux nombre d’entre eux ont partagé notre indignation et pour une fois ce refus de la marchandisation de la mort était partagé par les salariés rencontrés et nombre de leurs employeurs…
Raison de plus pour ne pas lâcher EUROLINKS et si on nous rétorque qu’il y a 86 emplois en jeu on pourra répondre 2 choses :
- Il y a des entreprises qui se reconvertissent et il y a énormément de besoins de produits manufacturés non satisfaits. On peut faire des propositions.
- Si malgré tout tel ou tel salarié se retrouve au chômage, il n’aura qu’à saisir la main de M. Macron pour traverser la rue.
Quant à nous, signataires du tract, nous continuons à dire, répéter et agir pour que cette cesse toute coopération avec Israël de la vente d’armes au commerce en passant par les jumelages à commencer par Marseille jumelée avec Haïfa, le port initialement prévu pour la livraison de l’armement que les dockers ont empêchée.
[1] Le nombre de salariés a lui bondi de 20% en 2023, évidemment en ces années de guerres tous azimuts – plus de 60 foyers de guerre dans le monde – la mort rapporte