APPEL AU RASSEMBLEMENT DES JEUNES COMMUNISTES ORPHELIN.E.S DU PARTI

Nous partageons cette contribution au débat dont nous avons été destinataires
URC

Le constant d’une lente disparition du PCF

Le mouvement communiste français est riche d’une longue histoire. Au gré des rapports de force dans la lutte de classes, au niveau national et international, le PCF a suivi diverses évolutions. Pendant ses premières décennies d’existence, dans le sillage du mouvement mondial vers le socialisme inspiré par la naissance de l’URSS et les luttes de libération nationale, le PCF a été l’organe dirigeant du mouvement ouvrier français. Pourtant, force est de constater que depuis les années 1970 il a objectivement perdu ce rôle.

Ce recul est à la fois le fruit du contexte de contre-révolution mondiale du fait de la chute de l’URSS, mais repose aussi sur des dynamiques propres au PCF.

Cela peut se constater à travers plusieurs éléments

Des renoncements idéologiques : à partir des années 1970, la plupart des fondements idéologiques du communisme ont tous progressivement été supprimés des textes du PCF. Socialisme, révolution, dictature du prolétariat, anti-impérialisme sont des concepts jugés dépassés par les directions successives.

  • Une incapacité à exister dans les luttes : alors que le mouvement communiste avait toujours défendu la stratégie d’investissement dans les organisations de masse, le PCF s’est progressivement renfermé sur lui-même, devenant ainsi incapable d’exister au-delà de ses débats internes. Ses militant.e.s sont absent.e.s de la plupart des mouvements sociaux, quel que soit le sujet. Les mouvements syndicaux, féministes, antiracistes, étudiants, écologistes, les organisations de l’immigration et des quartiers populaires ou de soutien à la Palestine, manquent cruellement aujourd’hui de la richesse et de la qualité de l’investissement que les communistes y fournissaient. Et les militant.e.s communistes toujours présent.e.s dans ces organisations, bien qu’ils et elles puissent y mener un travail acharné, le font sans boussole idéologique et organisationnelle de leur parti.
  • Un effondrement électoral : alors même qu’il n’avait jamais été un parti purement électoraliste, le PCF a été pendant longtemps capable de réunir des millions de voix à chaque élection. La part de son financement issue des cotisations ayant drastiquement diminué par rapport à celle issue des indemnités d’élu.e.s, il est aujourd’hui réduit à n’exister pratiquement que par les campagnes électorales alors qu’il ne représente pourtant plus qu’un pourcentage négligeable des suffrages. Les campagnes électorales ne sont plus une tactique dans la lutte des classes mais un moyen pour une bureaucratie en place de conserver sa place.
  • Un ralliement à la social-démocratie : incapable d’exister autrement que par ses élu.e.s, le PCF n’a eu d’autre choix que d’accepter toujours plus d’alliances contre-natures avec des organisations réformistes, y compris les plus racistes et impérialistes d’entre elles, notamment le PS. Depuis le piège socialiste du programme commun puis celui de la gauche plurielle, la lutte des places a clairement remplacé la lutte des classes.
  • une déconnexion du mouvement anti-impérialiste mondial : toutes les contradictions que doit démêler le mouvement communiste français agitent également les organisations communistes dans le reste du monde. Bien des éléments d’analyse du passé et de réflexion sur le présent restent en débat. Néanmoins, force est de constater que le mouvement communiste français parait aujourd’hui très isolé idéologiquement, particulièrement au regard du rôle important qu’il a pu jouer par le passé.

Ce froid constat ne se veut pas défaitiste, mais réaliste. Le PCF n’a plus de communiste que son nom. Il n’a plus de base théorique marxiste, ne pèse plus, ni dans les luttes ni dans les urnes, et n’est capable d’exister, au niveau national comme international, qu’en se mettant à la remorque de la social-démocratie.

Des trahisons qui continuent et s’accélèrent

La décrépitude que nous décrivons n’est pas nouvelle. Tous ces renoncements théoriques et pratiques ne datent pas seulement d’il y a quelques années et ne sont pas arrivés soudainement. L’élection de Fabien Roussel à la direction du PCF en 2018, que certain.e.s ont pu voir comme un espoir, n’a pas enrayé ce processus. Au contraire, par ses prises de positions, souvent personnelles et critiquées à l’intérieur même du PCF et du MJCF, il a confirmé la tendance réformiste à l’œuvre depuis des décennies. Pour l’illustrer, nous prendrons plusieurs exemples.

Sur les violences policières

Alors que depuis des années, les crimes racistes de la police se multiplient, le PCF est trop souvent absent des mobilisations nationales sur le sujet et est très éloigné des organisations engagées dans ce combat.

Le meurtre froid de Nahel Merzouk fin juin 2023, et les révoltes populaires qu’il a provoquées, en a été un révélateur. Fabien Roussel s’est à cette occasion empressé de réutiliser les éléments de langage du gouvernement, appelant « au calme » et « à l’ordre ». Il a été incapable d’exprimer ce qui est pourtant une réalité sociale indéniable : la police tue.

Après la séquence sur les « profiteurs » et les « fainéants » en pleine réforme de l’assurance chômage, celle où il appelait à être « plus ferme » sur le contrôle des entrées de travailleurs immigrés, et celle où il appelait à participer aux manifestations de policiers fascistes (auxquelles il a lui-même participé), le secrétaire national du PCF s’est encore une fois rangé plus facilement du côté de l’idéologie dominante que de celui du peuple qui résiste. Léon Deffontaines, ex-secrétaire général du MJCF pleinement intégré dans l’appareil électoral du PCF, a fait de même en qualifiant les jeunes révoltés de « pilleurs » et de « casseurs » et en affirmant qu’ « il n’y a aucun message politique dans ce qu’ils font ».

Par ses analyses et prises de positions, le PCF refuse de voir la nature de classe de l’appareil policier d’État dans un pays capitaliste. Il cautionne une vision anti-dialectique de notre pays, comme si l’État français pouvait exister au-delà des contradictions de classe. Cette tendance foncièrement chauvine n’est pas nouvelle. Elle a toujours existé, mais a aussi toujours été combattu par les militant.e.s communistes les mieux formé.e.s. Elle est aujourd’hui devenue dominante dans cette organisation. La lutte des classes n’est plus le moteur de l’Histoire dans l’analyse du PCF. La défense d’une vision bourgeoise des « droits de l’homme », des « principes de la République » et de « l’ordre » ont pris sa place.

Sur le génocide à Gaza

Les prises de position du PCF et de son secrétaire national suite aux événements du 7 octobre 2023 sont également révélatrices. Les condamnations des massacres à Gaza ont été dès le début nuancées par une mise dos à dos de la puissance coloniale sioniste et des organisations de résistance palestiniennes.

Fabien Roussel a immédiatement repris tous les éléments de la propagande israélienne qui visent à justifier le génocide : il défend que le 7 octobre serait une action « terroriste », un « pogrom » qui visait des « Juifs parce que Juifs ». Le PCF a également défilé fièrement avec le gouvernement français et les partis fascistes contre « l’antisémitisme » le 12 novembre 2023. Ses député.e.s avaient déjà, le 10 octobre à l’Assemblée Nationale, applaudi le discours de Yaël Braun-Pivet qui réaffirmait « au nom de la représentation nationale, notre totale solidarité et notre soutien inconditionnel » à Israël.

Il continue par ailleurs de cautionner le mythe du sionisme de gauche, sa « Commission Lutte contre le racisme et l’antisémitisme » s’étant ainsi félicitée de donner une tribune à l’organisation « Golem » fin 2024. En fait, le PCF refuse toujours de voir le rôle historique de l’État d’Israël. L’entité sioniste reste fondamentalement une création coloniale européenne, implantée sur la terre de Palestine pour servir de gendarme des puissances impérialistes, dans une zone qui est un noeud stratégique primordial pour toutes les grandes puissances.

C’est sa nature profonde. La boussole idéologique du PCF n’est plus l’anti-impérialisme, c’est une défense abstraite « des droits de l’Homme », qui sert de prétexte à l’opportunisme politique, et qui ne prend aucun compte des rapports de force dans la lutte des classes à l’échelle internationale.

Compte tenu de la situation à Gaza et dans la région, cela constitue clairement une trahison de tous les principes de l’internationalisme de classe. C’est également une insulte à l’histoire du mouvement communiste français, qui avait su, dans le passé, prendre par exemple parti sans nuance pour la République du Rif en guerre contre la France coloniale. C’est aussi une trahison de tous les acquis de la théorie marxiste et léniniste.

Alors qu’hier les communistes du monde entier étaient capables d’aller se battre par milliers pour défendre l’Espagne Républicaine face au fascisme, aujourd’hui le PCF met dos à dos occupant et occupé, colonisateur et colonisé. Cette position « ni-ni », en plus d’être fondamentalement problématique, a rendu le PCF totalement inaudible de quelconque manière sur le sujet.

Sur l’islamophobie

Dans la continuation de l’histoire coloniale, esclavagiste et raciste de notre pays, l’islamophobie est devenue un rouage essentiel du capitalisme français. Pourtant, sa réalité a été très longtemps absolument niée, et est toujours aujourd’hui largement euphémisée. C’est un autre très bon révélateur des trahisons théoriques et pratiques du PCF.

Ainsi, de nombreux députés communistes ont refusé de voter contre la « loi séparatisme » en 2024, dont Fabien Roussel, André Chassaigne et Marie-George Buffet. Cette dernière a même déclaré que cette loi ne « serait pas stigmatisante pour les musulmans, mais nécessaire » et que « la démarche séparatiste c’est une réalité ». En cautionnant cette propagande sur le pseudo danger séparatiste et le fantasme de l’entrisme islamiste, le PCF fait le jeu de l’idéologie dominante.

Alors que notre pays est enfermé dans un processus de fascisation très dangereux, que de plus en plus d’organisations antiracistes, féministes, écologistes, antifascistes sont aujourd’hui menacées de dissolution, il est plus que jamais nécessaire de faire front ensemble. Pourtant, le PCF n’a manifesté aucune opposition à la dissolution du CCIF (Collectif Contre l’Islamophobie en France) en 2020. Toujours les mêmes prétextes mensongers sont utilisés pour justifier de ne pas dire les termes et se battre au côté des organisations qui travaillent sur le sujet. Le 39ème congrès du PCF en avril 2023 a donc logiquement refusé d’intégrer dans ses textes le terme d’islamophobie.

Le PCF continue en fait de défendre une vision morale de l’antiracisme, dans l’héritage de la stratégie élaborée par le PS depuis les années 1980 avec la création de SOS Racisme. Dans ses textes, il continue à parler de « tolérance » et de « haine », refusant de voir la nature de classe du racisme et son rôle de rouage essentiel du système capitaliste-impérialiste. En reprenant la vieille propagande coloniale de défense d’un « universalisme » abstrait, le PCF passe à côté du sujet.

Ces trois sujets que nous avons évoqués ne sont pas anodins. En plus d’être révélateurs de l’évolution du PCF, ils ont pour point commun d’être systématiquement utilisés comme prétextes pour se distingue de la France Insoumise, dans une logique de guéguerre électorale entre les deux organisations. Mais alors que la FI a su, sur certains sujets essentiels (et justement ceux mentionnés plus haut), faire évoluer ses positions dans le bon sens ces dernières années, le PCF s’enferme dans des idées toujours plus réactionnaires.

Cette guerre des places avec la FI est d’autant plus problématique qu’elle se révèle délétère dans le contexte national actuel. Le PCF, dans sa démarche pseudo-identitaire, a ainsi contribué à la défaite de Jean-Luc Mélenchon aux élections présidentielles de 2022 en le privant de 800.000 voix. Alors même que le PCF est prêt à toutes les alliances avec le PS pour gagner quelques mandats locaux, et les financements qui vont avec, il a empêché l’accession au second tour du seul candidat de gauche capable de gagner.

Cette tactique est doublement un échec. Non seulement le PCF est de moins en moins présent dans les luttes et ne se démarque plus du reste de la gauche réformiste qu’en adoptant des positions toujours plus réactionnaires, mais son enfermement dans l’électoralisme ne fonctionne pas, car il perd des voix et des élu.e.s à chaque élection.

On pourrait essayer de mettre les exemples que nous avons pris sous le tapis, prétextant que ce ne sont que des questions « sociétales » ou des préoccupations secondaires. Ça serait méconnaître totalement la complexité dialectique de la lutte des classes. Et surtout, cela ne servirait qu’à cacher que sur les problématiques les plus économiques, le PCF n’a plus rien de communiste depuis bien plus longtemps encore.

La révolution socialiste, la dictature du prolétariat, la socialisation des moyens de productions, l’avant-gardisme de la classe ouvrière ne représentent plus rien pour le PCF, y compris dans ses textes, depuis des décennies. De ce point de vue, rien ne le distingue plus d’autres organisations de « gauche » : elles portent toutes des projets de société réformistes, sociaux-démocrates. Nous arrivons finalement à ce constat : la France ne dispose plus d’un parti communiste.

Le parti communiste dont la France a besoin

Le PCF a abandonné l’ambition d’être le parti du prolétariat. L’ambition d’un Parti « utile au peuple » et « à la hauteur des enjeux historiques du siècle », portée au 38ème congrès par le texte « Manifeste pour un communisme du 21ème siècle » et représenté par l’élection de Fabien Roussel à la tête du PCF est aujourd’hui un échec clair. Certes, le PCF existe encore et a encore des élu.e.s, mais les prises de positions successives de ses cadres l’éloignent de ce qui devrait être son objectif : la construction d’une société débarrassée de l’exploitation capitaliste.

Jeunes et ex-jeunes communistes font le constat d’une fuite des militant.e.s qui ne franchissent pas, ou pas pour longtemps, les portes du PCF. Les jeunes communistes se heurtent vite à un mur.

Après avoir milité au MJCF, beaucoup se retrouvent dans la nature, orphelin.e.s d’un Parti, isolé.e.s organisationnellement et idéologiquement. En l’absence d’un vrai parti communiste capable d’organiser cette jeunesse, beaucoup arrêtent de militer, ou se réfugient dans des associations qui ne luttent que sur un sujet précis. Nous avons pourtant besoin de toutes et tous et ne devons pas finir désorganisé.e.s, désabusé.e.s, car l’heure est grave.

Le péril fasciste qui s’annonce doit rassembler toutes les forces vives et notamment celles passées par l’école de formation qu’est le MJCF. Car si nous sommes ou avons été engagés, si nous nous sommes formés et avons passé tant de temps à militer, ce n’est pas pour nous distraire, mais pour changer les choses. Et même si localement un vrai travail militant de classe peut toujours exister, le MJCF, en tant que structure nationale, semble n’être devenu qu’une antichambre du PCF, une annexe lui servant de caution « jeune » et validant toutes ses dérives idéologiques et ses aventures électoralistes. La « carrière politique » de Léon Deffontaines en est un bon exemple.

Face à ce constat, nous proposons à celles et ceux qui ont encore cette flamme, cette envie de changement et voient l’urgence de reconstruire un parti communiste en France de commencer par discuter. D’autant plus que, depuis des décennies maintenant plusieurs organisations ont déjà entamé ce travail dans ce qu’on peut appeler le mouvement de la reconstruction communiste. Sans être exhaustifs, on peut citer la Coordination Communiste (devenue Rassemblement Communiste), le Pôle de Renaissance Communiste en France et l’Association Nationale des Communistes.

Nous avons chacun.e.s un vécu différent, des idées parfois divergentes et certainement des visions distinctes sur la manière de procéder. Mais l’expérience de l’organisation collective nous a appris à nous parler, à nous comprendre et à avancer ensemble dans la même direction.

Plusieurs éléments sont néanmoins selon nous des pré-requis essentiels à cette discussion :

  • Le mouvement communiste français doit clairement assumer qu’il est dans une période de reconstruction. Le PCF n’est plus un parti révolutionnaire. Il n’est plus le parti de la classe ouvrière. Il faut travailler ensemble à la reconstruction d’une organisation communiste qui soit à la hauteur de la période et qui puisse remplir ce rôle que le PCF avait par le passé.
  • Cette reconstruction doit se faire sur la base d’une démarcation idéologique avec le PCF actuel. Nous devons renouer avec les théorisations marxistes et léninistes, ce qui passe avant tout par un retour au matérialisme comme base philosophique et à la dialectique comme méthode d’analyse. L’internationalisme de classe doit de même redevenir une matrice essentielle de nos analyses. Nous devons également réaffirmer notre héritage et nos liens avec les expériences passées et actuelles du socialisme réel. Le parti communiste dont nous avons besoin n’est pas un mouvement nébuleux sans base idéologique, c’est le parti d’avant-garde de la classe ouvrière, armé du marxisme-léninisme, qui prépare la révolution pour abolir le capitalisme et instaurer le socialisme.
  • Dans le contexte du processus de fascisation que vit la France, nous n’avons pas de temps à perdre. L’unité du mouvement communiste est essentielle. Depuis trop longtemps, les communistes opposés aux dérives du PCF se sont enfermés dans des guerres de chapelles ou d’ego, parfois ridicules, sur des éléments de détails. La clarté idéologique est essentielle, mais elle doit s’articuler avec des véritables démarches unitaires. Le parti communiste dont nous avons besoin n’existe pas encore, et il naîtra nécessairement à la fois d’une démarche d’agrégation d’organisations et d’initiatives déjà existantes mais aussi de l’apport des masses qui sont encore extérieures au mouvement actuel de la « reconstruction communiste ».

A cet égard, la création fin 2024 de l’Union pour la Reconstruction Communiste, issue de la fusion du Rassemblement Communiste et de l’Association Nationale des Communistes, nous semble salutaire. Nul ne peut prédire l’avenir, mais compte tenu des tâches énormes qui se dressent face à nous, il faut commencer quelque part, et profiter de toutes les initiatives qui vont dans le bon sens.

Nous invitons donc toutes et tous les camarades, jeunes ou maintenant moins jeunes communistes sincères à rejoindre cette démarche d’unité. Discutons, débattons, organisons-nous, chacun.e.s selon nos réalités locales et nos expériences propres, mais ne restons pas seul.e.s et isolé.e.s. L’heure est à l’unité, dans la lutte des classes. Le mouvement communiste français a besoin de nous et ne pourra se reconstruire que par l’action militante.

Signé : des ancien.nes adhérent.e.s, militant.e.s et cadres du MJCF

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