Justice pour Nahel et tous les autres

PAS DE JUSTICE, PAS DE PAIX !

Le 27 juin 2025, à Nanterre mais aussi à Villefranche-sur-Saône, des marches blanches ont rendu hommage à Nahel Merzouk. Il y a 2 ans, ce jeune garçon de 17 ans était exécuté à bout portant par un policier à moto lors d’un contrôle routier. La vidéo du tir, massivement relayée, avait balayé en quelques heures la version policière qui prétendait que Nahel avait foncé sur eux et qu’ils étaient en situation de légitime défense.

Deux ans après la mort de Nahel, la colère et la demande de justice restent intactes.

Racisme systémique et violences policières : un héritage de l’histoire coloniale française

Loin d’être isolé, cet énième assassinat s’est déroulé selon un scénario désormais connu. Le déclencheur est toujours le même : un contrôle de police. Le prétexte avancé par la police est sinistrement identique : la légitime défense. La victime appartient toujours au même groupe social : un jeune noir ou arabe des quartiers populaires.

Ces similitudes révèlent que ces crimes sont des résultats logiques et prévisibles des doctrines coloniales de maintien de l’ordre adoptées pour la surveillance des quartiers populaires, du racisme systémique de la police désormais documenté par de nombreuses recherches et du conditionnement idéologique à une sorte de « guerre intérieure » contre les quartiers populaires par les discours politiques et médiatiques depuis plusieurs décennies.

Criminaliser les enfants racisés pour mieux les tuer : une déshumanisation coloniale

Chaque fois que des enfants racisés ou issus de quartiers populaires sont pris pour cibles par la police, le même scénario se répète : omerta, mensonges d’État et criminalisation de la victime. Nahel n’a pas échappé à ce schéma :  il a été présenté comme un délinquant malgré un casier judiciaire vierge et accusé de conduite dangereuse sur l’autoroute le matin de sa mort alors même que les images évoquées ne montraient pas son véhicule.

La criminalisation des enfants n’est pas nouvelle : elle plonge ses racines dans les pratiques coloniales de la police. Souvenons-nous de Malika Yezid, cette petite fille de 8 ans torturée à mort en 1973 par un gendarme dans la Cité des Groux à Fresnes. Le gendarme avait déclaré vouloir « l’interroger comme pendant la guerre d’Algérie » puis la Préfecture avait évoqué un « outrage » de la fillette pour tenter de porter la faute de sa mort sur les parents. 3 ans plus tard, un non-lieu étouffait l’affaire.

De Malika à Nahel, le même racisme systémique perdure. La criminalisation des enfants est une méthode de déshumanisation qui les transforme en cibles légitimes aux yeux de la police. Cette logique risque encore de s’aggraver avec la réforme de la justice des mineurs portée par le ministre de la justice Darmanin : en alourdissant les peines, en généralisant la comparution immédiate à partir de 16 ans et en ouvrant la possibilité de juger les mineurs comme des adultes, cela se traduira mécaniquement par plus de répressions d’enfants racisés ou issus d’un quartier populaire.

Un séparatisme policier entretenu par une doctrine de maintien de l’ordre raciste et par l’ impunité judiciaire

Suite aux révoltes qui ont suivies la mort de Nahel, les syndicats policiers majoritaires (Alliance et UNSA-Police) se sont déclarés « en guerre » contre les révoltés, les qualifiant de « nuisibles » à « chasser » et à « combattre ». La violence de ce communiqué n’a rien d’un abus de langage dû aux circonstances : elle reflète la réalité d’une violence d’État de plus en plus militarisée qui s’abat quotidiennement sur les quartiers populaires. Cette rhétorique guerrière témoigne aussi du conditionnement institutionnel des policiers à l’usage de doctrines de la contre-insurrection issues des guerres coloniales. Les quartiers populaires sont gérés comme des « territoires perdus de la République », des zones à pacifier contre un ennemi intérieur identifié socialement et racialement par les mêmes logiques de quadrillage, de contrôles massifs et abusifs, de brutalités préventives et arbitraires que celles utilisées par l’armée coloniale face aux mouvements de libération nationale.

Ce séparatisme policier vis-à-vis du reste de la population, et particulièrement des habitants des quartiers populaires, est renforcé par une impunité judiciaire qui protège les auteurs de violences policières et étouffe les demandes de justice. La loi Cazeneuve de 2017, avec l’introduction de l’article L435-1 dans le Code de la sécurité intérieure, a considérablement élargi les conditions d’usage des armes à feu par les policiers, les alignant sur celles du statut militaire des gendarmes. En assouplissant la notion de légitime défense, elle a légalisé l’arbitraire : désormais, un tir peut être justifié sur la seule base subjective de la «perception du danger», d’une «menace potentielle» par le policier. Une rupture majeure avec l’exigence plus objective, qui prévalait jusque-là, de preuves d’un « périple meurtrier ».

L’impact de ce « permis de tuer » a été immédiat et dramatique : les morts par tirs policiers lors de « refus d’obtempérer » ont explosé. Entre 2002 et 2016, on comptait en moyenne une personne tuée par an pour ce motif. Depuis 2017, ce chiffre a été multiplié par 5 et a atteint un pic de 13 morts en 2022. Le nombre de tirs a lui aussi atteint un record historique avec 202 tirs pour la seule année 2017, un niveau qui n’est jamais redescendu depuis la loi. Selon une enquête de l’agence Reuters, la majorité des personnes tuées depuis 2017 lors de ces contrôles routiers sont « noires ou d’origine arabe ». 

L’Etat français a été à plusieurs reprises pointé du doigt par des instances européennes et internationales pour le racisme systémique de ses forces de l’ordre. Entre 2022 et 2024, l’ONU a lancé pas moins de 4 alertes contre la France, dénonçant le profilage racial, les contrôles discriminatoires et l’usage disproportionné de la violence. Ainsi après la mort de Nahel, l’ONU appelait la France à « s’attaquer aux profonds problèmes de racisme et de discrimination au sein de ses forces de l’ordre ». Dernier épisode en date : le 26 juin 2025, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a rendu un arrêt historique, condamnant les contrôles d’identité discriminatoires visant les personnes perçues comme noires ou arabes.

Procès Nahel : un sursaut de justice arraché par une révolte historique

 En mars dernier le parquet de Nanterre a requis, à l’issue d’une enquête de plus d’un an et demi, que l’auteur du tir sur Nahel soit jugé pour meurtre.

Comme l’a rappelé Sabrina Sebaihi, députée NFP des Hauts-de-Seine, lors du rassemblement à Nanterre, « le procès de Nahel sera aussi le procès de toutes les violences policières pour lesquelles il n’y a pas eu de vidéos, pour lesquelles on n’a pas cru les témoins, pour lesquelles des pièces à convictions ont été cachées avant de réapparaître (…) quand l’affaire est médiatisée. Ce sera aussi le procès de toutes les autres victimes de racisme dans ce pays ».

Cette décision de justice rarissime est directement liée à la visibilité nationale et internationale de l’affaire, amplifiée par la révolte historique qu’elle a déclenchée.

Plus vaste et diversifiée que celle de 2005, cette révolte a touché 672 communes de 95 départements, aussi bien les banlieues de grandes villes, que les communes moyennes ou les colonies dites d’Outres Mer comme la Martinique, se transformant parfois en « émeutes de la faim » par le pillage de supermarchés. La répression contre la jeunesse des quartiers populaires fut, elle aussi, d’ampleur avec au moins un mort, 4282 gardes à vue, des comparutions immédiates et un taux de condamnation de 95% pour 2000 jeunes condamnés à des peines lourdes. Dans certaines villes, une police en roue libre a procédé à des vagues d’arrestations et de mutilations arbitraires, y compris sur de simples passants comme Virgil qui a reçu un tir de LBD tendu en plein visage.

Malgré la décision du parquet de Nanterre, le ministre de l’intérieur Bruno Retailleau a décidé la réintégration du policier et son affectation au Pays basque. Il s’agit  d’une nouvelle provocation visant à rappeler aux policiers qu’ils peuvent compter sur une impunité quasi-totale.

JUSTICE POUR NAHEL ET LES AUTRES VICTIMES DE CRIMES POLICIERS.

ABROGATION DE LA LOI CAZENEUVE «PERMIS DE TUER».

Le 04 juillet 2025

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