Charles Hoareau (URC)
Nationalisations, étatisation, appropriation sociale, quand les luttes éclairent le sens de ces mots, comme celui d’usager aussi…
La lutte des ARCELOR vient de mettre en plein cœur de l’actualité sociale la question des nationalisations.
Celles-ci ont toujours été décriées historiquement par le pouvoir quand il était franchement aux ordres du grand patronat ou parfois présenté comme une panacée comme en 1981 par le gouvernement de gauche issu du programme commun.
Il est à noter d’ailleurs que parmi les détracteurs se trouve aussi depuis toujours, une partie importante des forces se disant de gauche. Celle-ci s’appuyant sur des insuffisances réelles ou supposées des bienfaits attendus de ces dispositions.
Pour le dire autrement, pour les partisans des nationalisations dont nous sommes, ce que nous voulons par ce dispositif, c’est l’appropriation sociale et donc la gestion par les travailleurs de leur production et de ses buts. En principe avec les nationalisations dans l’esprit des acteurs de 1945, c’est bien de cela dont il était question.
Dans la pratique, cet objectif de gestion par les travailleurs n’a jamais été pleinement atteint et, sous les coups de boutoir de la droite au fil du temps, les nationalisations ont subi deux attaques de violence croissante :
- D’une part les privatisations pour permettre au privé de tirer profits d’activités qui devraient profiter à la nation, c’est-à-dire au peuple. Que ces privatisations aient parfois porté le nom de « mixité public-privé » ou aujourd’hui celui fumeux de « pôle public », deux idées portées en particulier par le PCF, tout comme celle de « nationalisation partielle » ne change rien à l’affaire : ce sont des privatisations et donc des atteintes au bien commun.
- D’autre part l’étatisation, transformant l’appropriation sociale voulue au départ, en une activité dictée par l’état capitaliste sans que les travailleurs n’aient la main sur les décisions.
- De ce point de vue la Sécurité Sociale est un exemple saisissant. Au départ institution à la direction dirigée en 1945 par un conseil d’administration élu à 75% par les salariés et dans lequel l’état n’intervenait pas à priori, elle est devenue une institution où, non seulement les CA ne sont plus élus, mais en plus son budget même est voté par l’Assemblée Nationale, la rendant ainsi totalement soumise à l’appareil d’Etat et aux choix politiques de ceux qui le gouvernent. Et bien sûr dans le même temps, elle a subi des attaques qui poussent les assurés sociaux à faire appel aux officines privées pour compléter leur protection sociale.
C’est de ce point de vue que nous analysons le vote de l’Assemblée Nationale sur la nationalisation d’Arcelor. Nous savons bien que, comme nous l’avons vu récemment avec VENCOREX, les forces réactionnaires vont multiplier les obstacles pour tenter d’empêcher l’adoption complète de cette disposition, et nous ne doutons pas de la vigilance et de la détermination des travailleurs et de la CGT sur ce point. Mais d’ores et déjà il convient selon nous d’observer deux choses :
- C’est d’abord une victoire due à la lutte des salariés qui ont su argumenter et trouver des relais à l’Assemblée pour obliger l’Etat à dire qu’il ne peut se désintéresser du sort de l’entreprise et de son personnel, qu’il n’est pas impuissant et qu’il peut contrer le projet d’une multinationale opérant sur son territoire. Les dernières nationalisations datant de 43 ans, c’est donc une victoire idéologique comme le souligne la CGT du Nord. Cela démontre que la lutte peut contraindre, comme par le passé, à l’intervention publique.
- Quand nous parlons de nationalisation, nous parlons bien de gestion par la nation, producteurs, salariés et usagers réunis, et non gestion par l’appareil d’état comme ce fut le cas par le passé avec la transformation des projets initiaux de Marcel PAUL ou Ambroise CROIZAT en étatisation d’entreprises dont les salariés furent exclus des choix de gestion.
Dans ce sens-là, on peut dire par exemple que la lutte historique des FRALIB dans les Bouches du Rhône, qui dura 1336 jours entre 2010 et 2014, a abouti aussi à une appropriation sociale par des coopérateurs (Scop-TI), aboutissant de facto à un résultat similaire à une nationalisation gérée par les travailleurs : production rémunérant à son juste prix la paysannerie locale, respectueuse de l’environnement, donnant la priorité à chaque fois que possible aux circuits courts, garantissant une échelle des salaires qui exclut la spéculation et l’appropriation des richesses par un petit groupe.
Le vote obtenu à l’Assemblée sur Arcelor est une première étape importante apte à donner la « pêche » au monde du travail. C’est donc un enjeu national. Aidons désormais les Arcelor à franchir victorieusement les autres étapes en ayant en tête le slogan des énergéticiens CGT :
« nous travaillons, nous produisons, nous décidons » ou celui des métallos, « nous pouvons faire du métal sans Mittal ».

